7 Septembre 2020
Nez : Si le nez ne laisse aucun doute sur l'apport massif du sherry, sa couleur ferait plutôt songer à une maturation Porto, avec ses reflets rosés. C'est un whisky énergique, j'ai l'impression qu'il faudra lui laisser un peu de temps pour s'aérer. En même temps ce whisky distillé il y a presque quarante ans et qui a encore passé quinze ans en bouteille avant d'arriver dans mon verre mérite bien cela, de la patience. La première chose qui devient évidente est la cardamone. Vient ensuite un aspect très confiserie, à la cerise, à traduire en belge par "quiquine de poupousse" et oui ! Si des fruits cuits apparaissent, pomme, prune... la fraîcheur reste de mise. À cela vient s'ajouter un effet chocolat au lait. Pour tout dire, il n'est pas à classer dans la catégorie sherry monster, c'est bien plus subtil que ça.
Bouche : Whaaaa comment c'est bon. Encore une fois le sherry est une évidence, mais il ne règne pas sans partage. C'est riche, avec cette même cerise confite, des fruits cuits. Il y a du miel d'argousier, avec cette amertume, ce boisé. Tout est parfaitement équilibré, c'est magique, ce whisky fait partie de ces deux trois qui jouent hors catégorie chaque année. Bon, c'est un peu puissant sur l'attaque, mais ensuite quel bonheur. Toujours dans la finesse du trait, du pruneaux, du chocolat au lait, du caramel, une pointe de tabac, de cuir. Une association entre l'acidulé et le pimenté, vraiment bien intégrée.
Finale : Nous revenons sur la cardamone du début, de la cannelle. Globalement c'est plus boisé et épicé. Cela reste parfaitement dosé en tout. Sans folie, mais avec un aplomb fabuleux. Tout de même cette sensation d'un mélange de baies sauvages... bon assez tapoté sur mon clavier, je vais le savourer paisiblement celui-là.
Glenugie 1824 / 1983 (Peterhead-Highland)
Désormais fermée définitivement, Glenugie a connu une histoire mouvementée, entre fermetures temporaires, réouvertures, ventes, rachats plus ou moins heureux à chaque fois.
Cette distillerie ayant la particularité d’être située la plus à l’est de toute l’Ecosse, a été fondée en 1831 par Donald McLeod & Co sous le nom d’Invernettie.
La région certainement plus connue pour la pêche que le whisky, possédait néanmoins d’autres distilleries dont les noms ressemblent à des fantômes du passé, Longside, Glenaden ou Kirktown.
Le fondateur ne restera que quelques années à la tête de sa distillerie.
Celle-ci sera acquise par la Glenugie Distillery & Co, qui en fera une brasserie, ce qu’elle fût jusqu’en 1875.
Dans ce dernier quart du 19ème siècle elle va d’abord retourner à sa fonction d’origine, encore qu’en tout premier lieu le site était celui d’un moulin à vent.
Disons que le brassage fut stoppé et que la Scottish Highland Distillery Co. la rééquipera de tout le matériel nécessaire à la distillation et en profitera pour lui donner son nom définitif, Glenugie.
Avant d’arriver entre les mains de Simon Forbes au début des années 1880, elle changera encore une fois de propriétaire lors de la fin des activités du précédent.
Elle sera vendue à George Whyte & Co, qui deux ans plus tard sera mis en liquidation.
Mais Forbes va certainement écrire les plus belles pages de l’histoire de la distillerie.
Bien que son whisky ne soit connu qu’au travers des embouteilleurs indépendants ou l’une ou l’autre édition mises en bouteilles par le holding Chivas Brothers.
Sa production servant d’appoint dans les blends ‘Long John’ particulièrement dans les années ’50.
Celui-ci va investir dans deux nouveaux alambics afin d’atteindre une production annuelle de près de 350.000 litres.
Il changera également le système de chauffe, passant du charbon au mazout.
La distillerie se portera bien jusqu’au début du 20ème siècle.
L’engouement de la fin du siècle précédent, l’accroissement extraordinaire du nombre de distilleries et la production déraisonnable qui s’en suivi, couplée au crash de Pattison (Voir Benriach), vont totalement plomber les affaires et contraindre le propriétaire à mettre la clef sous le paillasson.
Notons que la distillerie aura fermé ses portes au tout début de la première guerre mondiale.
Le rachat se fera en 1924 par la Glenugie Distillery Ltd, mais ne rouvrira pas immédiatement et pire fermera de nouveau en 1925.
Durant ses dernières années de vie elle sera ballotée de gauche à droite et il semble clair qu’elle est plutôt considérée comme un placement, ou une monnaie d’échange.
Brièvement, elle sera Seager Evans en 1937, fondue dans les activités d’un industriel new-yorkais, Schenley en 1956 en même temps que les assemblages Long John et la distillerie de grain Strathclyde.
Plus tard, en 1970 rachetée par le brasseur Whithbread, ce qui ne lui portera pas plus chance, car dès le début des années ’80 c’est à nouveau le crash dans le monde du whisky et cette fois en 1983 le glas va sonner pour de bon.
Ce sont des entreprises pétrolières qui possèdent les bâtiments, il est donc clair que plus jamais du whisky ne coulera à cet endroit de l’Ecosse.
Le groupe Pernod Ricard va tout de même s’offrir le nom de Glenugie et son stock via son holding Chivas Brothers.
À savoir que durant les années ’60 les aires de maltage seront transformées en lieux de stockage et que la capacité sur site était estimée à près de 6.000.000 de litres répartis dans neuf entrepôts.