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Passion du Whisky

Philippe Gosmand : La Passion Ultime

Interview d'un collectionneur hors norme

 

J'ai rencontré Philippe Gosmand très récemment lors du Liège Whisky Festival premier du nom et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'est pas venu les mains vides. C'est un espace hors du temps qu'il occupait, pour le plus grand bonheur des amoureux de whisky, avec une trentaine d'embouteillages appartenant à des distilleries mythiques comme Brora ou encore Port Ellen. Mais sa connaissance du sujet a été pour moi, mise en lumière par la présence d'autres bouteilles, comme des blends des années '60 ou '70 d'une qualité exceptionnelle et je ne parle même pas de ce Tomatin 10Y Old Fashion...

 

D'une grande sympathie nous avons pu partager quelques mots, ce qui me donnera rapidement envie d'en savoir plus sur la personne, le passionné et bien entendu le collectionneur qu'il est.

Je remercie au passage Fred Muller, de nous avoir présentés l'un et l'autre.

 

Vous vous en doutez, je ne suis pas revenu sans me faire plaisir sur cet espace. J'ai eu la possibilité de goûter sur place, mais surtout de me procurer deux échantillons, deux morceaux de l'histoire du scotch, dont nous aurons l'occasion de re-parler.

 

Parole au passionné :

 

Le Blog : Bonjour Philippe et merci de bien vouloir participer à l'évolution du blog. Voudrais-tu te présenter à nos lecteurs ? Qui es tu, d'où viens tu ? Être présent sur les festivals, est-ce une activité régulière ?

 

Ph. Gosmand : Bonjour Sébastien, j’ai 55 ans et suis Français résidant près de Paris. Après avoir fréquenté les Festivals de Whisky dans plusieurs pays, comme la Grande Bretagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et la Suisse, j’ai vraiment eu envie d’en organiser un en France. Un salon qui rassemble les collectionneurs et les passionnés à la recherche de beaux flacons.  C’est ce que j’ai fait en organisant le salon LIQUID GOLD collaboration avec Philippe Jugé en Juin 2018 dans le magnifique espace de la maison de ventes aux enchères Artcurial à Paris. La prochaine édition est en préparation.

Je suis depuis présent en animant un stand « Collectors » sur certains festivals dont deux en Belgique : G&B Whisky Festival à Oostende et dernièrement Liège Whisky Festival. Il devrait y en avoir plusieurs autres cette année.

LB : Peux-tu nous expliquer la naissance de ta passion, mais surtout ce qui a fait évoluer celle-ci de telle manière à faire toi le connaisseur et collectionneur reconnu que tu es aujourd'hui ?

 

Ph.Gosmand :Ma passion a réellement démarré en 1990 par un verre de Laphroaig 10 ans que m’a servi en fin de réunion de travail ma chef de service qui m’annonçait par le même occasion être d’origine Franco-Ecossaise. Ce fut un choc, cette version de fin des années 80’s début 90’s (à 43% Alc) était particulièrement marquée par une tourbe puissante et médicinale. J’ai donc voulu retrouver ces sensations et me suis mis à la recherche d’autres Whiskies, d’abord similaires puis ensuite de profils différents. Je me suis rendu compte alors qu’il y avait une variété presqu’infinie et que le voyage serait très long et passionnant avant de pouvoir tout connaître. J’ai fait mon premier séjour en Ecosse en 1997 et ai eu mon deuxième choc en buvant un dram d’Ardbeg 1974 G&McPhail dans un whisky shop au bord de la route. Je suis reparti avec la bouteille, qui valait 33£ à l’époque et je l’ai fait goûter à tous mes amis. Puis je me suis inscrit au club de La Maison du Whisky la même année et suis parti sur Islay en 1998 pour un voyage mémorable. D’autres ont suivi.  J’ai ensuite travaillé pour Whisky Magazine au tout début de sa parution en France, avant de reprendre mon activité professionnelle de consultant en déploiement de réseaux Télécoms, que j’ai gardé jusqu’en 2016.

Durant toutes ces années, quand un whisky me plaisait, j’achetais le plus souvent deux bouteilles, une pour ouvrir tout de suite et partager avec les amis et l’autre pour garder « pour plus tard ». Je me suis ainsi retrouvé avec plusieurs centaines de bouteilles sans jamais avoir comme objectif d’être collectionneur, ce que je suis néanmoins devenu... En 2013, j’ai décidé de créer le « Rare & Collector Whisky Club » et d’organiser des dégustations de bouteilles venant de ma collection. Le but était de partager entre passionnés et amateurs et d’échanger nos avis et opinions. Plusieurs centaines de bouteilles ont été ouvertes depuis dont Port Ellen, Brora ou encore Karuizawa.   

LB : Quel est ton regard sur l'évolution du whisky disons ces trente dernières années. Doit-on tordre le coup à cette phrase "C'était meilleur avant", ou au contraire admettre un nivellement par le bas ?  

 

Ph.Gosmand : J’ai toujours été impressionné par la qualité exceptionnelle des whiskies  produits il y a 40 ans et plus. Il y avait une complexité, une richesse et une puissance que l’on ne retrouve pas aujourd’hui, en tout cas pas pour les jeunes expressions et les Blends. Sans remonter aussi loin, comparez un Laphroaig 10 ans des années 80’s (ou antérieures) et celui d’aujourd’hui ou encore un Lagavulin 16 ans White Horse (1988 pour la première version) et la version actuelle, pour ne citer que ces deux-là et  vous pourrez difficilement dire le contraire. Et je ne parle pas des 5 ans d’âge sortis pour le marché Italien ou des 8 ans plus communs, quelle complexité ! J’ai récemment fait goûter un Bowmore 1964 Bicentenary de 15 ans d’âge à quelqu’un qui m’a dit, avec des étoiles dans les yeux, que ça lui avait ouvert des horizons encore inconnus dans le whisky. Et cela n’a que 15 ans d’âge… ! Pour ce qui est des Blends, une des bouteilles qui a connu le plus de succès sur mon stand à Liquid Gold était un Ballantines 30 ans embouteillé fin des années 70s. J’ai également ouvert à deux reprises un Johnnie Walker Red Label des années 50s et c’était extraordinaire, avec un profil presque « Bowmoresque »  sur les fruits exotiques avec une légère tourbe, incroyable !

J’ai l’impression qu’il y avait un caractère plus authentique dans ces vielles expressions, plus artisanal et aussi plus complexe, du temps où on maltait encore sur place, où l’homme avait un rôle plus important dans toutes les étapes de fabrication. Ce n’est que mon avis mais je pense que si ces anciennes versions n’étaient pas d’excellente qualité, il n’y aurait pas autant de monde aux salons de plus en plus nombreux dédiés aux vieilles bouteilles.

Maintenant, y a t’il un nivellement par le bas ? Pour ce qui est des références « standard » comme le Laphroaig 10 ans, Lagavulin 16 ans, Talisker 10 ans, Macallan 12 ans ainsi que beaucoup d’autres, la qualité a plutôt diminué, même si elle reste encore correcte et appréciée par la jeune génération. Mais cette jeune génération a-t-elle pu goûter les anciennes versions ? Pour la très grande majorité, non.

Je ne dirais pas pour autant qu’il y a un nivellement par le bas mais plutôt que l’on assiste à une évolution du profil des whiskies, avec de plus en plus de finish sur des jeunes expressions, de multiples maturations assemblées, des fûts parfois fortement brûlés. Il y a de plus en plus de détails sur les étiquettes pour des whiskies de plus en plus jeunes… En réalité, on essaye de donner de la complexité en choisissant des fûts qui donnent beaucoup en peu de temps mais la plupart du temps on sent la jeunesse du whisky derrière et la complexité semble un peu artificielle. Pour ceux qui ont connu les éditions des glorieuses années c’est décevant. Pourtant et heureusement, certaines distilleries savent très bien faire jeune et bon, voire très bon, comme Springbank, Chichibu ou Glann ar Mor, pour ne citer que ces trois-là.

Parallèlement, je constate que depuis ces 10 dernières années, il y a de plus en plus de nouveaux embouteillages d’excellente qualité, le plus souvent chez les embouteilleurs indépendants (qui sont de plus en plus nombreux d’ailleurs). Il faut être constamment à l’affut car l’offre est devenue tellement importante mais volatile à la fois, en raison des quantités limitées et des sites d’achat par internet. Il sort de nouvelles releases tous les jours, tourbées, sherry, wine, beer et même téquila cask finish…les variétés sont infinies et il y a de quoi se perdre. Il est donc important de consulter les Blogs et se rendre sur les salons pour se faire son propre avis et retenir les quelques « pépites » qui sortent du lot.  

LB : Placées dans la naphtaline depuis le début des années '80, des distilleries dont la production semblait être devenue pour toujours collector, telles que Port Ellen, Brora ou encore Rosebank, devraient produire à nouveau du whisky. Quelle est ton analyse à ce sujet ? Une grande idée, ou pas du tout ?

 

Ph.Gosmand : Tout le monde a regretté et s’est une fois posé la question pourquoi ces trois distilleries ont pu être fermées un jour, tant la qualité de leur whisky est universellement reconnue. Maintenant que l’on va passer du rêve à la réalité, le Challenge est on ne peut plus osé car tout le monde attend cette même qualité avec beaucoup d’exigence. Je pense que le groupe DIAGEO en est conscient et qu’ils vont mettre les moyens pour arriver à quelque chose de très proche. Je trouve l’idée géniale à tout point de vue, y compris marketing bien sûr… En même temps, ce n’est pas tous les jours que l’on assiste à une vraie renaissance de plusieurs distilleries fermées (alors qu’il y en une nouvelle presque toutes les semaines dans le monde) et c’est très intéressant. J’ai hâte de goûter les new make si j’ai cette chance.  

La réouverture ne va certainement pas supprimer pour autant le statut « Collector » des éditions passées et leur valeur continuera d’augmenter, d’autant que leur disponibilité va diminuer. A quels prix sortiront les premières releases des nouveaux Port Ellen, Brora et Rosebank ? Je suis curieux de le savoir mais heureusement pas pressé car il faudra attendre encore un peu.

LB : J'ai ramené de notre rencontre deux whiskies d'exception. Un Littlemil 1989 embouteillé par 'The Whisky Agency' ainsi qu'un Ardbeg 1976. Que peux tu nous dire au sujet de ceux-ci ? Je vois par exemple que le premier porte les mentions 'The Auld Alliance et Three Rivers Tokyo", le second porte la mention 'Matured & Bottled by Jas Gordon & Co'.

 

Ph.Gosmand :Chacune de mes bouteilles possède une histoire et quand j’en ouvre une à la dégustation, ce sont les souvenirs qui reviennent. Le Littlemill 1989 est un embouteillage TWA pour le bar « The Auld Alliance » à Singapour et l’embouteilleur indépendant « Three Rivers » au Japon. Lorsqu’il est sorti sur le marché au Japon, j’ai tout de suite demandé à un très bon ami Japonais qui tient un Bar à Kyoto de m’en acheter au moins une. Je n’imaginais pas encore que j’allais pouvoir  revoir Emmanuel Dron en lui rendant visite les deux années suivantes…J’aime beaucoup cette version de Littlemill, 25 ans de vieillissement dans un refill Hogshead et embouteillée à 50,9% abv, elle possède un superbe fruité et une très grande finesse.

L’Ardbeg 1976 est un embouteillage de 1990 réalisé par Gordon & McPhail à 40% abv et importé pour la France par Auxil (actuellement Jean Boyer). Son jeune âge et son faible degré d’alcool pourraient laisser penser qu’il est un peu léger mais ce n’est pas le cas. Il est subtil, certes, mais pas faible, la tourbe arrive progressivement pour s’installer en finale avec les agrumes. A déguster parmi les premiers et non en fin de salon, pour en apprécier toute sa richesse et sa subtilité.

J’ai hâte de lire tes commentaires de dégustation sur ces deux whiskies.

 

Merci beaucoup à Philippe Gosmand de nous avoir fait l'honneur de répondre à nos questions.

Philippe Gosmand : La Passion Ultime
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