17 Octobre 2023
"L’Encantada (adjectif) : En Gascon, signifie l’enchanteresse ou l’enchanteur. Qui charme, ravit le cœur, l’esprit ; ensorcelant".
L'Encantada, ce sont des éleveurs d'Armagnacs, négociants, dont le chai, où par ailleurs ils embouteillent, se situe à Vic-Fezensac, dans le Gers.
Fondée en 2011 par une bande d'amis, cette société a pour volonté de préserver et de promouvoir un savoir faire issu d'une très longue tradition.
Je note personnellement que c'est un spiritueux qui revient en force ces dernières années et qui prendra probablement autant de place que d'autres spiritueux traditionnels français.
Ce qui fait la particularité de L'Encantada, c'est d'embouteiller ses Armagnacs sans aucun artifice, colorant et autres merdes issues des délires d'industriels attardés.
Ces Armagnacs ne sont non plus ni filtrés, ni réduits en volume d'alcool et oui ils sont tous bruts de fûts.
Place est donc laissée entièrement au terroir, mais aussi au savoir faire des petits producteurs associés à l'aventure.
Merci donc à Vincent, Christelle, Frédéric, Xavier et Laure pour la dégustation généreusement proposée, qui sera entre coupée d'un peu d'histoire.
En réalité un petit guide que j'ai rédigé à l'attention du shop Prestige Whisky, un partenaire français qui se fera un plaisir de vous offrir le meilleur de nos flacons favoris.
Cette version est en réalité un assemblage, mais essentiellement composé d'Ugni-Blanc. Une maturation d'abord dans des fûts de la région, avant de passer sur du chêne du Limousin.
Nez : Les arômes sont extrêmement concentrés, essentiellement dans la sphère gourmande des fruits compotés et du sucre blond. Puissant mais pas agressif, avec un aspect caramel au beurre qui n'est pas sans rappeler un bon whisky first fill de bourbon. Nous avons une texture plutôt crémeuse, très agréable. L'aération va vraiment laisser parler le jus, avec de l'abricot sec, du raisin sec. Malgré un âge relativement jeune, cet Armagnac est très structuré. Gingembre.
Bouche : Vif bien entendu, mais avec l'alcool qui s'efface vite, suivi d'une aromatique à nouveau hyper concentrée. Laiteuse, sur cette magnifique diffusion de caramel au beurre. Le boisé est pratiquement absent, les épices très intégrées à l'ensemble, avec une pointe de poivre, de muscade. Marmelade d'orange, abricot et comme annoncé sur le site, une présence de balsamique.
Finale : La finale va laisser la place à des fruits plus verts, moins mûrs, comme la poire, le coing, avec une infime amertume, pratiquement imperceptible. Cette transition va offrir plus de fraîcheur.
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L’Armagnac provient d’une région qui se nomme la Gascogne.
Située entre la Garonne et les Pyrénées, elle profite du climat océanique de l’Atlantique.
Cette ancienne principauté a légalement disparu en 1063 suite à son rattachement au Duché d’Aquitaine, mais a continué à développer sa différence culturelle jusqu’à aujourd’hui.
C’est sous domination romaine que l’élevage de la vigne se développe, une tradition qui va progresser jusqu’au Moyen-Âge.
Les producteurs vont commencer à distiller vers la fin du 14ème siècle, disons par nécessité. En effet c’est en 1373 que Edouard III décide d’instaurer « Le Privilège de Bordeaux », une loi interdisant aux vins de production limitrophe, d’accéder au port de Bordeaux avant noël.
Par cette méthode, le produit pouvait être conserver sur un plus long terme.
Les 17ème et 18ème siècles, verront se développer le commerce avec la Hollande, grande importatrice de spiritueux français.
De grands marchés locaux vont également se développer, comme de nouvelles plateformes au commerce de ce spiritueux en plein développement.
La maîtrise du vieillissement, de nouvelles techniques de distillations venant encore renforcer celui-ci. C’est d’ailleurs au début du 19ème que l’alambic à colonne (armagnacais), brevet déposé par un certain Jacques Tuilière en 1814, supplantera l’alambic à repasse qui était jusqu’alors le seul à être employé.
Deuxième moitié du 19ème, c’est le phylloxera qui fera son arrivée désastreuse.
Fort heureusement en 1898 un ampélographe (personne qui étudie la vigne et les cépages, tant du point de vue botanique, qu’œnologique), François Baco, va sélectionner les cépages bien plus résistants que l’on utilise toujours aujourd’hui.
Il tiendra également compte des particularités géologiques de la région, un sol qui à l’ouest provient d’une formation marine, faite de limons lœssiques (érodés par le vent), de sables, lessivés et relativement acides, localement appelés « Boulbènes ».
Sol qui va vers l’est progressivement se faire plus argileux, calcaire « La Molasse ».
Le territoire sera délimité par décret en 1909, ainsi que ses trois appellations.
L’AOC sera quant à elle obtenue en 1936, alors que pour la mention Blanche Armagnac, il faudra attendre 2005.
C’est depuis la fin de la seconde guerre que le bureau national interprofessionnel de l’Armagnac est chargé de sa promotion, ce qui donnera lieu à des exportations dans plus de cent pays autour du globe.
Nez : Nous avons sur celui ci, quelque chose qui tient de l'écorce d'orange confite, un genre d'extrait très concentré. Il y a un côté costard trois pièces très stricte, la gourmandise en plus. Il va osciller entre vanille crémeuse - caramélisée, amandes et autres fruits secs plus charnus. Mélange de gingembre et d'amaro. La note officielle parle de safran et ce n'est pas faux. Il faut dire que ce n'est pas le spiritueux que je connais le mieux, mais je me soigne.
Bouche : Très aérien en bouche, vraiment soft, ultra facile à déguster. Vanillé à souhait avec des traces plus florales, ainsi qu'un retour de ces fruits secs, de l'orange tirant sur l'amer. Celui-ci va convenir aux amateurs de finesse plutôt que de punch. Je suis plutôt de la seconde catégorie, mais je reconnais que la qualité est là.
Finale : Une finale que j'aurais souhaité un rien plus longue, mais qui fait preuve d'une grande élégance, offrant de belles saveurs aériennes, subtiles de vanille.
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Comme défini dans le cahier des charges de l’AOC, l’Armagnac est une eau de vie de vin, dont le volume en alcool est de minimum 40%.
Elle sera vieillie sous bois pour ce qui est des Armagnacs, Bas Armagnacs, Haut Armagnacs ainsi que Armagnacs Ténarèze et dans une cuve inerte pour ce que l’on nomme la Blanche Armagnac.
Elle possède donc plusieurs appellations géographiques, ce qui sera développé dans le chapitre suivant.
Le vieillissement durera par ailleurs au minimum 1 an, dans un fût de chêne, mais il n’est pas rare de croiser de très vieux millésimes.
Le territoire est limité à trois départements, le Gers, les Landes et le Lot-et-Garonne, 292 communes en tout et pour tout. Si la majeure partie des eaux de vie sont issues d’une récolte, une vinification, distillation et un vieillissement sur place, seule une maturation et une finition dans l’aire géographique est indispensable pour obtenir l’appellation Armagnac. Seulement 6 communes n’entrent pas dans cette catégorie.
Bien entendu l’appellation géographique complémentaire implique que tout le processus soit effectué sur place.
Ce sont 10 variétés de vignes qui produisent le raisin indispensable à la production, il y a comme pour le Cognac L’Ugni Blanc, Folle Blanche et Colombard.
Ensuite viennent Baco Blanc, Blanc Dame, Graisse, Jurançon, Mauzac Rose, Mauzac et enfin Meslier Saint-François.
Traditionnellement ce sont des distillateurs ambulants qui passent de ferme en ferme durant l’automne et l’hiver pour faire couler le spiritueux depuis leurs alambics continus (Colonne).
C’est d’ailleurs encore plus de 2/3 de la production totale, environ 20.000 hectolitres d’alcool pur par an, qui est à mettre à l’actif des vignerons et coopératives, le tiers restant provenant de négociants.
Nez : Un aspect fruits exotiques, avec de la mangue fraîche, mais aussi une pâte de citron, ce qui est loin de ce que j'ai eu l'occasion de tester jusqu'ici en matière d'Armagnac. La précédente version, issue du fût 78 renvoyait à des notes de chocolat blanc et de violette. Je dois dire que personnellement, je reste sur ces notions de fruits, papaye fraîche, sur un fond de chêne grillé. J'aime cet aspect juteux, plein de soleil.
Bouche : En bouche vont s'affronter deux puissances. Un boisé très caramélisé, avec quelques épices d'une part et d'autre part du fruit en abondance. Je retrouve cette touche juteuse de raisin, de fruits exotiques et oui ici probablement un peu de chocolat au lait. C'est en tout cas une expérience vraiment très agréable que cette association des saveurs qui partent un peu dans tous les sens. Miel brun, de seigle ou d'argousier. Alors celui-ci c'est complétement mon délire.
Finale : Notions de fruits à coque grillés, fruits à noyau. Avec de la vanille qui vient adoucir l'ensemble. Réglisse... Ça c'est le genre de spirit que j'adorerais embouteiller. Comme quoi, la diversité dans le monde de l'Armagnac n'a rien à envier à d'autres spiritueux. J'en ai encore eu un aperçu il y a peu et j'espère pouvoir en parler bientôt.
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Tout d’abord il faudra distinguer l’AOC, qui est fixée à l’ère géographique correspondant aux près de 300 communes disséminées dans les trois départements, à savoir le Gers, les Landes et le Lot-et-Garonne, où l’Armagnac devra impérativement réaliser sa maturation, de la dénomination géographique complémentaire.
Si à ce stade dans ce périmètre les eaux de vie de vins sont reconnues après un an comme Armagnac, il faudra pour obtenir cette dénomination supplémentaire, que l’ensemble du processus soit effectué dans les zones définies ci-dessous, de la récolte au vieillissement.
Il est produit dans les départements du Gers et des Landes.
Produit dans le Gers et le Lot-et-Garonne.
Produit quant à lui uniquement dans le Gers.
Trouvez les communes concernées à la page 3 du cahier des charges de l’AOC : Décret n°2014-1642 du 26 décembre 2014
Trois étoiles, VS : 3 ans minimum.
VSOP : De 4 à 6 ans.
Napoléon : De 6 à 9 ans.
XO, Hors d’Âge : Au minimum 10 ans.
Nez : Points communs à l'ensemble de la gamme, des arômes très concentrés et de la fraicheur. Celui-ci se poserait plutôt comme un Armagnac traditionnel, avec un aspect sucre brun, miel, un rien en plus de bois et d'épices. C'est aussi quelque chose que j'apprécie, qui se frotte au monde du rhum sous certains aspects. Fruits secs grillés, entre noisette et amande.
Bouche : Je m'attendais à beaucoup plus d'épices en bouche, mais personnellement je préfère comme ça. Mais en réalité cet ensemble est très équilibré. En effet le bois ne donne pas cette sensation de sécheresse, d'épices très poivrées. C'est présent, mais comme enrobé de miel, de pruneaux, de fruits secs grillés, de vanille. En somme, un Armagnac qui ne va pas me surprendre, mais qui correspond parfaitement à ce que recherche l'amateur spécifiquement attiré par le spiritueux de tradition. Un rapport qualité prix extra.
Finale : Longue, sur le muscovado, miel et fruits confits. Les épices sont pratiquement éteintes, laissant une sensation longue d'abricot, de pruneaux secs, un peu à la manière de certains whisky en fûts de sherry, ou de Madère. Bah c'est bon hein, y'a pas grand chose à ajouter, faut goûter c'est que du plaisir.
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Tout commence dans les vignes.
Tout comme pour le Cognac à nouveau il y aura des normes à respecter dans la conduite du vignoble.
Un minimum de 2200 ceps à l’hectare avec une tolérance de 35% de pieds morts ou manquants et un écartement de maximum 3,5 mètres entre les rangs.
Les vignes doivent être taillées annuellement, selon la méthode dite Guyot, ou en Cordon.
La première tient son nom du Docteur Guyot, qui a popularisé cette taille au 19ème siècle et consiste à former un bras à palisser, qui présentera entre 4 et 12 yeux, sur un bois de deux ans, tout en préservant ce que l’on nomme un courson, qui remplacera le sarment de l’année, lors de la saison suivante, après la taille hivernale. Cette méthode va améliorer la production, mais fatiguer la vigne plus rapidement.
La taille en cordon est une taille courte, sur un ou deux bras de plus ou moins 40cm, le but étant d’obtenir 4 à 6 coursons, avec chacun deux yeux.
Après la récolte et avant la distillation, il y aura la période de vinification, ce qui permettra d’atteindre un volume d’alcool situé entre 7,5% et 12%, sans ajout de sulfite ou enrichissement.
Un hectare de vigne produisant au maximum 120 hectolitres de vin par an.
La distillation sera réalisée au plus tard le 31 mars de l’année qui suit la récolte et ce sur un moût qui contient encore une lie fine.
Comme toujours, il y aura deux types d’alambics, l’alambic ‘Armagnacais’ qui est une colonne continue ou à repasse, mais dans les deux cas la chauffe se fera à feu nu.
Dans le cas de la colonne, elle contiendra au maximum 15 plateaux, dont 2 de concentration.
Elle sera munie d’un chauffe vin, qui fonctionne dans l’idée d’un échangeur de température, situé entre les plateaux de concentration et les serpentins destinés à la condensation des vapeurs.
Cette technique permet de produire un alcool avec une concentration située entre 52% et 72,4%, dont le volume total journalier ne devra pas excéder les 40 hectolitres par alambic.
Avec la technique de l’alambic à repasse, il sera nécessaire entre chaque passe de charger l’alambic de moût.
Dans cette configuration, il n’y aura pas nécessairement de chauffe vin, mais l’ensemble est en cuivre et d’une contenance maximum de 30 hectolitres, avec une charge de 25 hectolitres par distillation.
Toutefois dans le cas de la première passe, le volume peut-être de maximum 140 hectolitres pour une charge de 120 hectolitres.
La première chauffe permettra d’obtenir le brouillis, qui distillé une seconde fois sera concentré entre 65% et 72,4% en alcool pur.
Le vieillissement d’au moins un an se fera dans des chais réservés aux produits issus de la vigne et au spiritueux, disposant d’un système de contrôle de l’aération.
Les fûts seront en chêne, de variété sessile ou pédonculé, voir un croisement.
Comme souvent dans les productions de spiritueux issus de la vigne, il est autorisé d’ajouter une infusion aqueuse de copeaux de chêne stabilisée, ou encore un caramel ordinaire connu sous le nom de E-150.
Un cas particulier, la Blanche Armagnac, qui elle passera au minimum trois mois dans une cuve inerte afin de ne prendre aucune coloration.
Bien souvent l’Armagnac est le fruit d’un assemblage d’âges différents, mais aussi bien entendu provenant de cépages différents, toutefois il est traditionnellement embouteillé sous forme de millésimes.
Après un vieillissement de 25 ans dans des fûts de chêne traditionnel, l'Armagnac a réalisé un finish en fût de Bourbon, bref un hérétique de premier ordre, arborant une œuvre du maître tatoueur New-Yorkais Matt Adamson.
Nez : Armagnac issu des domaines de Labeyrie et du Pin. Très vanillé, avec des notions de maïs grillé, très Bourbon, ce qui semble évident. Une finition qui va plutôt masquer le spiritueux d'origine, pour le meilleur ou pour le pire, vous jugerez. Jusque là je reste ouvert à l'idée, c'est intéressant, mais nous sommes quand même éloigné des précédentes versions dégustées. Bien caramélisé.
Bouche : Un peu à l'image des whiskies modernes. Ça va toucher un public à l'esprit ouvert, ou attirer des non initiés à l'univers plus traditionnel de l'Armagnac dans toute sa diversité. Plus vraiment de l'Armagnac et pas vraiment du bourbon, c'est intéressant dans le sens que le résultat est agréable à la dégustation. Vanillé, caramélisé. Je me demande juste pourquoi avoir utilisé un Armagnac de 25 ans et non un plus jeune ? Maïs grillé, apport de bois qui assèche légèrement.
Finale : Longue et gourmande, avec un flot de vanille, de maïs, de caramel. Intéressant et probablement à essayer en tant que base de cocktails. Mon coup de cœur sans hésitation reste le Pouy 1998, quelle claque !