19 Décembre 2019
Visite de la Brasserie St Feuillien
Le 15 décembre dernier j'ai eu, à la suite d'un entretien avec Edwin Dedoncker, le manager général de la brasserie, la possibilité de visiter les installations St Feuillien, ce que je n'avais jamais eu l'occasion de faire malgré la relative proximité.
L'objectif premier, se faire plaisir avec mon ami Didier, profiter d'une matinée de détente, des moments rares en cette période de grande activité dans mon autre vie de freelance.
Nous avons tout d'abord réalisé le tour de l'ancienne brasserie, la plus traditionnelle, mais aussi pour l'heure presque un musée, tant le développement dû à la réussite, ne permet plus de produire le volume total actuel avec ce matériel, probablement il volerait en éclat.
St Feuillien est une bière qui désormais s'exporte partout à travers le monde.
La visite commence au second étage d'une maison qui comme Mackmyra a historiquement employé la gravité dans son processus de fabrication.
La logique tout simplement et en même temps l'espace disponible.
Le malt mill, concasseur se trouve donc à ce niveau, ce qui aura jusqu'à l'arrivée d'un moteur pour réaliser cette tâche, le désavantage de devoir employer la seule force de l'homme, afin de faire grimper les sacs de céréales jusque là haut.
Le malt aura selon le projet de bière une couleur différente, vous pouvez voir cela ci-dessous.
Plus clair et faiblement séché, il produira une pils, fortement torréfié, il sera destiné à faire naître une bière brune.
Tout comme pour la fabrication du whisky, le malt est concassé de manière grossière, à la façon d'un grist et surtout toute la graine est conservée, même son enveloppe et cela aura son importance plus tard.
La "farine" ainsi obtenue sera poussée par une vis sans fin dans un caisson de réception, avant d'être libérée dans la cuve de lavage ou d'empâtage.
D'abord le moulin, entraîné par une courroie et ensuite le tout premier moulin fonctionnant à la force des bras.
Voici la cuve d'empâtage, contenance d'environ 2200 litres.
C'est là où tout commence vraiment, puisque la céréale va être mise en contact avec une eau puisée à 70 mètres sous la brasserie.
L'objectif étant d'extraire un maximum de sucre, de maltose et un liquide qui se nomme le Maische, notons que dans le monde du whisky, c'est le Mash-Tun qui est employé dans cette étape, probablement y a t-il des racines communes.
Comme nous expliquera la dame qui dirige la visite, le brasseur ne fera que chauffer l'eau, la nature fait le reste.
C'est une chaîne qui fera descendre le lourd couvercle de métal sur la cuve, à l'origine par un mécanisme actionné manuellement.
L'eau sera d'abord portée à 50°c, avant que le serpentin de cuivre situé dans le fond de la cuve ne fasse augmenter la température, afin de permettre aux enzymes de débuter le processus "d'infusion".
D'abord à 55°c, afin de permettre aux protéines de se simplifier, ensuite à 63°c pour que la b-amylaze transforme les amidons en sucre soluble, ce qui représente la première saccharification.
À 73°c, l'a-amylaze poursuivra l'action de décomposition des chaînes d'amidons, afin d'obtenir la seconde saccharification.
Bien entendu, durant tout ce temps, le moût est brassé, grâce à deux pales situées dans le fond de la cuve.
À l'origine ce sont des hommes qui venaient prêter leurs bras, avec pour outil le "Fourquet" en bois, photo ci-dessous.
St Feuillien au départ était une des 3000 brasseries de Belgique, qui compte environ 4000 communes et oui cela faisait presque une par village.
Elle brassa d'abord une ou deux fois par an et ce sont les agriculteurs bien souvent qui venaient lors de la saison creuse mettre à disposition des bras solides pour réaliser ce breuvage magnifique.
Le moût va désormais reposer, les matières résiduelles de la céréale vont alors lentement se poser dans le fond de la cuve.
Ce fond n'est pas ordinaire, puisqu'il est percé de trous qui permettront au moût de s'évacuer, lors du second et troisième trempage, puisque l'opération sera renouvelée trois fois au total, afin de récupérer un maximum de maltose.
Le premier trempage lui, sera pompé au dessus de cette couche de "paille" et filtré, avant de rejoindre la cuve d’ébullition.
Cette couche relativement épaisse de résidus va se comporter comme un filtre naturel.
La drêche sera extraite à la main et récupérée pour l'alimentation des vaches laitières, ce qui est encore le cas aujourd'hui.
Le matériel vient de chez Meura, une société originaire de Tournai. C'est également le cas pour les installations modernes.
Voici la cuve d’ébullition, elle contiendra 6600 litres issus du brassage.
Son rôle sera de maintenir ce liquide en ébullition durant 1h30, ce qui aura pour effet de le stériliser.
C'est aussi lors de cette étape que sera ajouté le houblon, dont les substances actives vont se dissoudre dans le liquide, par l'action de la chaleur.
À l'issue de cette étape, il restera environ 6200 litres de moût, qui sera aromatisé à nouveau de houblon, mais aussi d'un mélange secret d'épices.
Le tout va reposer à nouveau 30 minutes pour que se fasse la décantation, avant d'être pompé dans une cuve d'attente, où se produira une seconde décantation.
Enfin la phase de fermentation, donc les cuves sont alimentées par cette pièce conique en inox au fond de l'image, qui est en réalité la base de la cuve d'attente.
Autrefois le moût ruisselait à l'air libre sur l'échangeur de chaleur que vous verrez sur la première photo ci-dessous, afin de le faire refroidir et permettre aux levures d'entrer en action, sans mourir à cause d'une chaleur trop élevée.
Le liquide passera ainsi de 90°c à 23°c.
L'échangeur de température(s), la base de la cuve d'ébullition et les engrenages qui font tout fonctionner, grâce à un seul petit moteur électrique.
Vous avez ci-dessus deux silos.
Celui de droite contient le malt, celui de gauche la drêche.
Bien entendu après la concentration extrême de rigueur, qui fut la nôtre, afin de capturer chaque information pour réaliser cet article, le réconfort d'une bonne bière de chez nous.
Alors je ne vous cache pas que nous avons testé la toute nouvelle quadruple, une bière magnifique, mais plutôt à consommer avant de faire la sieste.
Vous voyez sur les dernières images, les nouvelles installations.
Un peu moins de charme il faut l'avouer, encore que...
Il faut faire le constat que cela reste, peut-être pas artisanal, mais franchement familial.
L'automatisation étant devenue indispensable au traitement des nouveaux volumes et la généralisation de l'inox, obligatoire selon les nouvelles règles d'hygiène (Vaste débat que celui-là).
Visibles, les cuves de fermentation, munies d'un bocal d'eau à la base.
C'est de cette manière que l'on observe le travail des levures, par la production de gaz carbonique, qui provoque un bouillonnement de l'eau.
Ce gaz sera totalement éliminé pour produire une bière de seconde fermentation.
La bière devenue plate sera stockée dans une cuve de maturation durant 6 semaines environ.
Au moment de la mise en bouteille seront ajoutés une dose de sucre et de levure, ce qui fera grimper le volume d'alcool, mais aussi transmettra l'effervescence présente dans le verre.
Ce genre de bière aura bien entendu également une plus longue période de conservation en bouteille.
Présentes également sur les images, les "nurseries" à levures, nourries avec du moût sucré.
La chaîne de remplissage des fûts et de grandes bouteilles, jusqu'à 15L, puisque les formats sont directement inspirés du monde du Champagne.
L'embouteillage des formats inférieurs est réalisé en dehors du village, pour des raisons évidentes de nuisances sonores.
Voilà, j'espère que je vous aurai fait un peu voyager, même si ce n'est pas vraiment les tropiques, la chaleur est ici aussi présente dans le cœur de nos brasseurs belges.
À vous tous, je recommande cette visite qui ne coûte que 8€ et s'achève sur une dégustation de deux bières au choix.
Bon et ce distillat me direz-vous, ben oui j'y viens enfin.
Il est issu d'une bière triple et il en aura fallu 13 litres, pour produire 1 litre d'alcool distillé.
Il aura été distillé à trois reprises par Lambicool, dans la région de Liège. Cette société appartenant à notre ami Etienne Bouillon, également distillateur du whisky à la Chouette... bien entendu pas sur les mêmes alambics.
Probablement un hommage à la méthode irlandaise et au moine évangélisateur venu de ces terres, qui fut assassiné à l'Abbaye au mois d'octobre de l'an 665.
Il y a 9000 bouteilles de 50cl disponibles, dont 6000 vraiment sur le marché et 3000 réservées pour d'autres événements, la famille, les amis...
Ce sont donc près de 60.000 litres de St Feuillien Triple qui auront été distillés et maturés en fûts de bourbon de premier remplissage durant 6 mois.
Le résultat est un spiritueux dont le nez est très expressif, très enveloppant. Il y a des épices légères, des agrumes intéressants et un peu acidulés, mais également déjà une belle présence vanillée. Il y a encore cet aspect sucre d'orge, un peu comme sur certains alsaciens, mais c'est bien intégré. Poivre et muscade donnent du peps.
La bouche est douce. À l'avant plan, c'est un peu une bataille rangée entre le poivre-muscade d'un côté et les agrumes orange-citron de l'autre. Il y a sur la palette fruitée des poires vertes, un peu de pomme, apportant de la fraîcheur. Le sucre d'orge est toujours là également, mais il ne me dérange pas. Dans l'ensemble pour un produit de cet âge c'est sans défaut particulier, il y a de l'énergie sans que cela n'engendre un gros déséquilibre.
Sur la finale il y aura déjà un peu du fût, avec vanille et miel. Des fruits secs, des agrumes encore, dont des zestes de citron vert. En bref, c'est original et agréable, curieux de ce que cela pourrait donner avec deux ans et demi de plus.
Voilà tout, encore merci à Didier et comme toutes les grandes décisions naissent souvent autour d'une bière chez nous, il est possible que cette petite balade soit le moment 0.1 d'une nouvelle aventure qui pourrait voir le jour courant 2020, je vous laisse là dessus, en vous souhaitant de passer de merveilleux moments lors de ces fêtes de fin d'année.
À bientôt.