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Passion du Whisky

BelRoy's : Bartenders and Distillers

 

Le 30 janvier dernier j'ai eu l'immense plaisir de passer un peu plus de deux heures en compagnie de Ben Belmans, co-fondateur de la marque belge de spiritueux BelRoy's.

Deux heures en tête à tête avec un grand monsieur, passionné, possédant une vision très nette de son métier, muni d'une grande expérience dans l'art de la distillation et de la mixologie.

 

 Alors je ne sais pas très bien par où commencer, tant je ne maîtrise pas encore ni les bases, ni les codes de la discipline, mais je vais essayer de faire de mon mieux.

Parlons d'abord de la personne. Ben Belmans se lance d'abord dans des études de droit à Namur, mais visiblement c'est un tout autre domaine qui l'appelle à abandonner cette voie.

C'est en tout cas à cette époque qu'il va développer un intérêt certain pour l'art de la mixologie.

Il débutera alors une carrière en tant que consultant, tournant un peu dans toute l'Europe, avant de revenir à Anvers en 2004. Il créera en collaboration un nouveau cocktail avec son ami Manuel Wouters, le "Lazy Red Cheeks".

 

Ambassadeur pour Moët-Hennessy, Formateur pour le Diageo Bar Academy, il animera de nombreuses masterclass en Europe, de Prague à Milan, en passant par Paris et Berlin.

Ben Belmans sera le premier belge à obtenir à Londres son certificat niveau 2 de la "Wine & Spirit Education Trust" suivant par exemple les enseignements de Desmond Payne, master distiller pour la marque Beefeater.

C'est d'ailleurs cette rencontre qui va réveiller un vieux démon bien originaire de Belgique dans l'esprit de Ben Belmans, un démon à l'origine de la loi Vandervelde de 1919 sur l'ivresse publique, le genièvre.

En effet bien que le genièvre vienne de chez nous et existe depuis des centaines d'années, il se rend compte qu'il est connu aujourd'hui comme le "Dutch Gin" et que si personne n'y fait rien, il disparaîtra de notre culture et de nos traditions.

Mais mettons cela de côté pour le moment.

En ce qui concerne les cours sur le whisky, son professeur n'était autre que Dave Broom.

Il poursuivra ensuite des études de distillateur à Anderlecht, sur le campus du CERIA, de 2015 à 2017.

Une époque à la fois riche en rencontres, puisqu'il y croisera Luc Waterschoot, le distillateur VDS de Alost, qui produit entre autre le Belgin et le Cockney's, mais aussi le fondateur de Forest Dry Gin, Patrick De Keersmaecker.

Riche en apprentissage, puisqu'il faut à cette époque évoluer avec des moyens techniques et financiers minimes. Le matériel étant sorti tout droit de l'imaginaire du Dr Emmet Brown semble t-il, composé de fûts de récupération et de vieux bouts de tuyaux... Le moût bien trop souvent composé de vieux pains rassis et autres tartelettes à la fraise...

N'est-ce pas dans ces moments que l'imaginaire joue un rôle prépondérant? Lorsqu'il faut sans cesse se plonger dans le doute et la recherche de solutions?

BelRoy's c'est une rencontre, celle de Ben Belmans et Dieter Van Roy, autour d'une même passion, celle du cocktail.

Sa définition, qui pourrait être toujours valable, date de 1806 et est apparue dans un magazine américain de l'époque.

C'est une boisson constituée d'un mélange comprenant un alcool, du sucre, de l'eau et des bitters... Aujourd'hui nous dirions simplement que c'est une boisson qui contient au moins un alcool et tout ce qui peut sortir de l'imaginaire d'un mixologue.

Impossible de dire exactement quand tout cela à commencé, probablement depuis que l'alcool existe et que d'illustres anonymes s'amusaient à les assembler pour le fun.

Il est tout de même commun de penser que son ancêtre fut le punch, qui lui date du 16ème siècle.

Il traversa néanmoins les décennies sans trop de peine, élevé au rang d'art par ses maîtres, de Jerry Thomas à Tony Conigliaro.

Jouissant même d'une extrême popularité dans les années 1920, lors de la prohibition. Il est dit que le jeu consistait à embouteiller des alcools dans lesquels étaient plongés de aromates afin de masquer le produit de base.

Toujours est-il que le cocktail tient ses origines aux Etats-Unis. Il va prendre son envol avec Jerry Thomas, considéré comme le père de la discipline, il le fera connaitre et populariser.

En 1862 il écrit un livre intitulé "Bartender's guide: How to mix drinks", rééditer dix ans plus tard il deviendra le livre référence dans le domaine.

Le début des années 1900 va voir apparaître les premiers ustensiles, comme le shaker, la cuillère à mélanger... des cocktails célèbres encore aujourd'hui également, comme le Manhattan.

 

Le fait historique qui fera jaillir le cocktail hors d'Amérique est la prohibition, de 1920 à 1933.

Les barmans vont se réfugier à Cuba sous le gouvernement du Président Gerardo Machado, prédécesseur de Castro, un cocktail sera d'ailleurs à l'époque particulièrement populaire, "El Presidente".

En effet durant cette période dite sèche, nombreux étaient les américains à prendre le bateau jusqu'à la Havanne afin de profiter de la douceur de son climat et surtout de ses bars. Une présence de touristes largement autorisée, voir encouragée par le Président Machado.

Les barmans arriveront également dans les grandes villes européennes, comme Paris ou Londres. Dans les plus grands restaurants, comme le Savoy ou le Ritz, ils rendront rapidement une clientèle aisée accro à cette mode venue de l'ouest lointain.

 

Une fois la prohibition terminée, dans l'Amérique d'avant guerre va apparaître la Vodka, bousculant le Gin. Le même choc aura lieu dans les années 1960 avec la Tequila.

L'art de la mixologie est en perpétuelle évolution et se divise selon Ben Belmans en deux catégories, les show man et les minimalistes.

Lui se veut minimaliste, même s'il n'a aucune explication pour cela, loin de lui l'idée de faire voltiger les bouteilles ou de céder aux cocktails issus de la cuisine moléculaire.

Alors ce cocktail, les associés Belmans-Van Roy, vont tenter de le sublimer dans leur bar BelRoy's Bijou à Anvers.

Il sera ouvert en mars 2016 et connaîtra un succès fulgurant, puisqu'il remportera dès la première année le prix Best Cocktail Bar aux "Venuez Hospitality Awards", qui a une réelle valeur d'estime dans le milieu.

L'année suivante c'est Dieter Van Roy qui lui sera élu Best Bartender.

Ils vont dès lors s'entourer de très bons éléments, comme Dries Botty, élu meilleur Barman en 2015 également aux Venuez Awards, il remportera le Belgian World Class et sera classé 4ème lors de la finale des World Class en 2016 à Miami.

L'équipe se compose par ailleurs du jeune talent Thomas Timmermans dont nous parlerons certainement dans le futur. 

Mais il y a aussi de Emilie Fernandez experte Mezcal, qui a vécu à Oaxaca où elle a pu observer tout le processus de fabrication, de la récolte à la distillation et Yarno Soeleimansjah expert du whiskey américain et du Calvados.

 

L'idée de conditionner ces recettes en bouteilles est venues naturellement, tout d'abord c'est une technique ancienne et reconnue pour ses avantages sur le mariage des arômes et celui de l'alcool avec l'eau.

Les créations vont d'ailleurs passer plusieurs mois dans des cuves prévues à cet effet avant d'êtres conditionnées.

Un autre avantage est une constance dans la qualité et le goût du produit, il va parfaitement se conserver et évoluer grâce aux produits de base qui sont soigneusement sélectionnés et traités à un haut degré de fraîcheur.

Il est d'ailleurs à noter que BelRoy's n'ajoute ni sulfite, ni glycérine, ce qui est pourtant une pratique courante dans le secteur.  

Enfin la bouteille permettra un service rapide, à une température idéale.

 

El Presidente "Decadence in a glass" : Connu à Cuba dès 1919 sous le nom de Martini Cubain, ce cocktail qui rend hommage au Président Menocal, à base de rhum, va se développer particulièrement durant la prohibition.

Comme résumé plus haut, il fera les beaux jours des barmans américains réfugiés dans les établissements de luxe lors de l'âge d'or de la Havanne, où se croisent l'aristocratie cubaine et américaine, il sera alors aussi populaire que le Cuba Libre.  

Il restera fort apprécié durant une trentaine d'années, avant de tomber presque totalement dans l'oubli, détrôné par un alcool venu de l'est, la vodka et ses multiples déclinaisons en tant que base de cocktails.

Celui-ci va lentement renaître il y a moins de dix ans et entrer tout naturellement dans la gamme BR.

Il se compose du Rum BelRoy's, de vermouth blanc, de curaçao orange et de grenade.

Il va présenter des agrumes, tirant même sur de l'orange amère.

La texture est très agréable en bouche, avec des fruits tropicaux, de la vanille, des notes de vin blanc.

La finale sera longue, avec toujours des agrumes, des fruits rouges, de la cannelle.

Vesper Martini "To spy or not to spy" : Ce cocktail fut créé en 1953 par Ian Fleming, non ce n'est pas un barman célèbre, mais plutôt un écrivain.

Celui-ci est l'auteur de la saga James-Bond. C'est dans l'ouvrage Casino Royale que pour la première fois le héros, accoudé à une table de poker va commander un Vesper Martini, une combinaison de Gin Martini et Vodka Martini. Bond rend ainsi hommage à son amie Vesper Lynd, incarnée en 1967 par Ursula Andress dans l'adaptation cinématographique.

Il est donc ici composé du gin et de la vodka BelRoy's, ainsi que d'un vermouth.

À la fois floral et fruité, il offre des senteurs de pamplemousse, de menthe et bien entendu de fleurs sauvages.

 

Negroni "The italian aperitivo" : Les racines du Negroni se trouvent en Italie, à Florence plus précisément. Nous sommes au début du 20ème siècle et le cocktail favoris du café "Casoni" fréquenté par la noblesse de la région est l'Americano, ou Milano-Torino, composé de Vermouth, de Bitter et de soda.

L'un des clients, le Comte Negroni en est particulièrement friand, puisqu'on raconte qu'il en consommait vingt par jour. 

Rattrapé par ses excès et son médecin, il demandera au barman de remplacer le soda par du Gin.

Le mélange étant plus puissant, il était convaincu d'en boire moins...l'histoire dit également que ce ne fut pas le cas, mais que cet Americano-Gin rencontra rapidement un vif succès.

Ce cocktail porte depuis le nom du Comte afin de se souvenir toujours de l'histoire de sa création et est donc composé ici du Gin BelRoy's, de vermouth italien et d'un bitter.

Son attaque est particulièrement douce, sur des fruits rouges et sucrés, ce n'est que plus tard qu'apparaît l'amertume. Il offre de l'orange, de la cannelle, du piment, de la pomme.

 

Ensuite faisant un peu chemin inverse, BelRoy's a développer une gamme de spiritueux, avec l'idée que ceux-ci devaient pouvoir être utilisés comme base dans un maximum de cocktails.

Une idée qu'il faudra travailler de long mois avant d'atteindre un parfait équilibre des saveurs.

 

Le Gin "Generously complex" : Celui-ci est la parfaite illustration de la qualité du travail de ses créateurs. Fondé sur une base issue des normes exigées pour l'obtention d'un London Dry Gin, il se compose d'un alcool de blé et de trois botaniques, Genévrier, Coriandre, racine d'Angélique.

Un produit qui pourrait être noyé dans l'immense variété de gin disponibles sur le marché. Un spiritueux apprécié et de ce fait rapidement comparé ou jugé, qui se démarque par sa volonté de constituer une base pour multitudes de cocktails. Voilà pourquoi la maison BelRoy's a sélectionné 11 botaniques supplémentaires, distillés individuellement qui apporteront des notes d'agrumes, de fleurs ou de végétaux. Citron d'Amalfi, pamplemousse, orange de Séville, bergamote, cardamone, camomille Romaine, racine d'Iris, caroube, réglisse, graines de sélim (Connu sous le nom de poivre de Guinée), cannelle.

Il va donc naviguer entre toutes ces saveurs, entre épices, agrumes et fleurs. 

 La Vodka "Straight with an attitude": Composée d'une base de blé poussant dans le nord de la France et de seigle belge, cette Vodka se déguste facilement seule, mais conviendra parfaitement pour un Bloody Mary, ou un Cosmopolitan, ou tout simplement une vodka Tonic.

Elle va développer des arômes de citron, de pomme, de lavande. La proportion de seigle est savamment étudiée, afin de ne pas apporter le trop de notes "fermières" qu'il produit parfois, ce qui fonctionne bien dans un genièvre, moins dans une vodka.

En bouche elle va conserver toute sa fraîcheur citronnée, à laquelle s'ajoutera du réglisse et du pain juste cuit.

La finale sera longue sur des céréales, des agrumes et des épices poivrées.

Comme je le confiais à Ben Belmans, nous sommes bien loin de l'image négative que j'avais des vodka. Il en va de même pour tous les spiritueux, c'est lorsque l'on s'approche de ce genre de produit que l'on comprend l'intérêt que d'autres lui porte. Nous retrouvons ici un alcool qui durant des décennies a été de plus en plus lissé et réduit à soit se saouler à bon compte ou se mélanger avec suffisamment de softs ou de jus que pour passer inaperçu en soirée. Nous renouons avec une tradition plus proche du 16ème siècle, où la vodka était un produit soigné et fort goûteux.

  

Le Rum "Life is a beach": Bien entendu celui-ci est déjà très satisfaisant seul, mais il sera fort utile à la composition du Daiquiri, du Mojito ou de la Piña Colada. 

Son profil à la fois extrêmement fruité d'ananas, de mangue, de banane et épicé, il le doit à sa composition.

Une rencontre de styles entre des spiritueux en provenance de Trinidad avec Angostura et de Jamaïque avec à la fois Monymusk, Worthy Park et Hampden Estate. 

Un rum qui ne va ni céder à l'excès de sucrosité, ni à des caractéristiques gustatives que seuls des puristes pourraient apprécier.

C'est un produit qui s'adresse à tous les profils et qui remplacera facilement bien d'obscures productions, popularisées bien plus par le marketing que leurs qualités.

 

BelRoy's c'est le fruit issu d'un germe qui s'est mis à pousser au fond de Ben Belmans il y a 25 ans, alors croyez moi, ses spiritueux et cocktails n'ont pas étés réalisés à la hâte, mais après de longues périodes de réflexions et de tests.

Vous noterez que chaque col de bouteille possède sa couleur et ce n'est pas juste pour faire beau, mais il s'agit d'une vraie réflexion de barman. En effet ceux-ci ne voient que le col de la bouteille derrière le bar et la couleur permet très simplement de mettre la main directement sur la bonne bouteille.

Résolument tourné vers l'avenir, prêt à bousculer les codes en mélangeant par exemple un Talisker avec du Ginger Ale (A essayer pourquoi pas), il garde bien entendu au fond de lui tout l'héritage du passé.

C'est pourquoi le grand projet de Ben Belmans est de trouver le moyen de faire vivre à nouveau chez nous le Genièvre.

Que cela soit en long ou en short drinks, nous lui souhaitons de trouvez le moyen d'y parvenir.

Mais vu l'expérience acquise par les co-fondateurs et leur équipe, je suis presque certain qu'ils y parviendront.

 

Merci à Ben Belmans pour son temps, la dégustation présente et à venir.

 

Rendez-vous chez votre caviste pour découvrir les produits ou directement au bar BelRoy's Bijou Graaf van Egmontstraat, 20 à 2000 Anvers (Ouvert de 17h à Minuit). 

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